Repères sur l'histoire de France

 

Certains historiens comme l'italien Luciano CANFORA ou l'allemand Droysen estiment que Jules César est à l'origine de l'Europe moderne. L'entreprise de César fut destructrice ; il n'avait que sa carrière personnelle comme finalité de ses conquêtes. L'ambition première de la conquête de César était  d'obtenir des légions, d'enrichir se soldats, de capturer de l'or et des esclaves pour se donner du pouvoir réel à Rome. L'économie romaine était fondée sur l'exploitation des richesses des pays conquis, l'asservissement des adversaires, le pillage, l'esclavage.  A partir du lIle siècle après Jésus-Christ, l'empire s'effondre quand les Romains ne sont plus en mesure de conquérir de nouveaux esclaves et de nouvelles richesses. L'œuvre de César fut néanmoins colossale : axes de communication, architecture des villes, organisation internationale du commerce, mode d'administration des territoires en provinces...


En 476, le dernier empereur romain Occident est chassé par les invasions de peuplades germaniques dont le sens de la propriété repose en fait sur la capacité à acquérir des biens et des territoires par la force. Wisigoths en Espagne, Ostrogoths en Italie. L'ancienne Gaule romaine fait place au territoire des francs. 

Chez les francs, c'est la dynastie des Mérovingiens qui domine (481-751). Clovis (481-511) et ses fils construisent  leur royaume par des conquêtes successives de nouveaux territoires et d'imposer à leurs populations un prélèvement de leur richesse : le roi n'est reconnu que s'il remplit cette fonction rendue d'autant plus indispensable que la règle veut que son domaine se transmette à ses descendants après que ses fidèles serviteurs en aient reçu une partie en récompense de leur courage et de leur fidélité. 

Le concept de puissance publique n'existe donc pas : seul compte l'identification du chef au territoire. La société d'alors fonctionne par le pillage et le partage : la puissance s'identifie à la capacité guerrière.Même si pour ces peuples nomades, le seul pouvoir central reconnu est celui du chef de la horde, l'occident fonctionne avec des règles de droit écrit, système hérité des romains, qui s'impose à tous ceux qui vivent à l'intérieur de l'empire avec un  principe : celui de la  propriété privée .

Pendant le règne des  mérovingiens , l'église bénéficie d'un privilège d'immunité déjà présent sous les Romains. C'est à l'église que revient l'obligation de percevoir les ressources du roi dans les territoires qu'elle possède ou qu'elle contrôle. Les Évêques sont en quelque sorte, les percepteurs du roi puisque les agents royaux ne peuvent pas pénétrer sur les territoires qui bénéficient d'une immunité. 


Les gens d'église doivent alors collecter les revenus du domaine ainsi que les impôts est assurer les dépenses. Ainsi, à Cahors, c'est l'Évêque Didier ( 635 - 650) qui fait procéder aux travaux d'adduction d'eau et aux réparations des remparts de la ville. Au IXe siècle, les évêques sont les plus gros collecteurs d'impôts. Ce sont ces fonctions qui très vraisemblablement expliquent qu'à la fin du VIIe siècle, la vocation des gens d'église est plutôt patrimoniale que spirituelle. L'époque qui suit voit l'apogée des  Carolingiens ( 751-987) . Les rois  carolingiens  renforcent l'exigence de connaissance des possessions foncières afin de chiffrer les ressources. Les possessions du roi sont décrites dans des fiches appelées " fiscs ". 

Elles dressent domaine par domaine des états de la propriété et des revenus. Ces inventaires qui sont les ancêtres de nos rôles actuels sont tenus jusqu'au IXe siècle.

 Charlemagne , fils de Pépin le bref, mort en 768, reste seul roi des francs à partir de 771. Il  installe des comtes dans toutes les régions de l'Empire . Parallèlement aux évêques,  le comte  cumule toutes les fonctions civiles et militaires.

 Le comte et son suppléant,  le vicomte , surveillent la levée de l'impôt, en encaissent certains, moyennant paiement en nature sur les domaines de leur zone d'influence qui progressivement deviennent des  fiefs .


Fidèle serviteur, aristocrate de confiance ou valeureux guerrier, le comte est responsable d'un territoire homogène. Représentant du roi,  le comte tire ses revenus des terres  dont il est attributaire.

C'est lui qui est  chargé de faire respecter l'autorité et les décrets royaux . Progressivement, les comtes vont penser d'abord à leur propres intérêts. Pour veiller à la bonne application des décisions royales,  Charlemagne recourt  à des messagers : les " missi dominici " qui remettent aux comtes les " capitulaires ", recueils de décisions élaborés par l'assemblée annuelle des grands du royaume présidée par le roi.

L'économie repose principalement sur l'agriculture ; la richesse est constituée par la terre. 

L'administration de Charlemagne reste embryonnaire même si l'empereur avec ses missi-dominici cherche à étendre son emprise sur les comtes qui exercent l'administration locale.

À la  mort de Lothaire en 855 , ses fils Charles et Louis se répartissent la Lotharingie. C'est à cette date que  naissent réellement les royaumes de France et d'Allemagne .


La faiblesse des rois qui se succèdent entraînera la décomposition de l'Empire. Les conquêtes extérieures disparaissant, chaque seigneur va se trouver confronté à l'obligation de partager son propre patrimoine pour récompenser ses fidèles serviteurs. 

Dès lors qu'il n'est plus possible d'acquérir de nouvelles terres, des conflits internes se développent pour limiter les droits du suzerain. 

La disparition de l'empereur et les rivalités entre les rois permettent alors aux  grands seigneurs locaux de s'arroger des pouvoirs qui n'étaient pas les leurs : justice, police, perception des impôts sur la circulation des marchandises, et de s'approprier les terres qu'ils vont transmettre à leurs héritiers .

Le système économique de la période allant du Ve au Xème siècle, repose essentiellement sur la mise en valeur des grandes exploitations par des populations serviles. 

L'apport principal qui subsiste de la domination romaine, repose dans la possession foncière de grands domaines, refuge contre la dépression économique et la pression fiscale, et qui fournit la majeure partie des moyens d'existence. Le roi, ses vassaux les seigneurs locaux, comme l'église, accumuleront une gigantesque fortune terrienne. 

À cette époque, la tradition orale domine. Toutefois, après les "capitulaires" des carolingiens, on notera que Charlemagne fit procéder au  recensement des biens et des propriétés du royaume  qui sont alors transcrits sur les « polyptyques ».

Au IXe siècle, ce sont les guerriers qui dirigent la société. Entre le neuvième et le XIIe siècle, ( moyen-âge), une société complexe apparaît. On passe de la civilisation paysanne à un monde où se développent les idées de chrétienté ancrée sur la famille. Au plan économique, les notions de productivité commencent à apparaître dans les campagnes alors que l'organisation du travail se fonde sur le servage. Les villes se développent et s'organisent. L'agriculture est constituée par des paysans sédentaires qui deviennent des producteurs au bénéfice des seigneurs propriétaires des terres. Abandonnant progressivement l'usage des armes, les propriétaires fonciers s'entourent d'administrateurs et d'hommes de loi. Les rivalités s'estompent notamment entre l'église est la noblesse.

C'est à partir du IXe siècle qu'apparaissent des idées nouvelles quant à l'agriculture. L'ancien système fondé sur la mixité des cultures et reposant sur la chasse ne permet plus de nourrir la population d'autant qu'au dixième et XIe siècles, les famines se répètent. De vastes étendues de forêts sont déboisées, les marais sont asséchés est drainés, les fleuves et rivières commencent à être aménagés. Les villes émergent partout en Europe alors que l'on construit de grandes cathédrales, des abbayes des châteaux. En deux siècles les campagnes se transforment profondément.

Sous l'empire Carolingien, le pouvoir est exercé par environ 200 contes et  éveques la plupart du temps liés entre eux par des liens familiaux. Autour de l'an 1000, commence à se développer des idées selon lesquelles les méthodes agricoles doivent être modifiées. C'est à partir de cette époque que la paysannerie est organisée en servage afin de produire plus de richesses. Les notions de stockage apparaissent  ;de-même les marchés commencent à s'organiser. Parallèlement, les territoires sont délimités et cadastrés ; la famille est la cellule qui assume le contrôle des territoires. S'appuyant sur des gestionnaires et des administrateurs, au neuvième et dixième siècle l'évolution familiale amène à l'élaboration d'un principe très répandu : c'est le seul fils aîné qui recevra la terre en héritage.

Ce principe spoliateur n'est pas accepté par tous les enfants voire même par tous les parents. Cette époque  voit apparaître de nombreux châteaux et fondations ecclésiastiques qui reçoivent en donations de familles fortunées des terres et les paysans qui y travaillent. Ainsi émergents deux types de propriété : celle de la noblesse, propriété privée, transmise au fils aîné ; celle des églises propriété collective. À travers ces donations ecclésiastiques, c'est le fils cadet, généralement destiné aux ordres, qui reçoit sa part d'héritage. Célibataire, celui-ci ne pourra utiliser ces terres pour fonder une dynastie rivale. Quant aux enfants qui ne sont ni les aînés ni les cadets, ils deviennent chevaliers dans l'espoir de gagner sur les champs de bataille, la reconnaissance du seigneur, du conte, du duc, voire de l'évêque ou du pape et être récompensé par un don de terre et l'autorisation de se marier.

Entre le IXème et le XIIe siècle, alors que la population du nord de l'Europe est multipliée par trois, la production agricole s'organise. Les paysans sont de plus en plus attachés à leur terre. La paysannerie va toutefois devoir se plier à la volonté des propriétaires : les récoltes sont souvent confisquées, le servage entraîne la perte de liberté. Alors que sous Charlemagne les paysans étaient libres de pécher, de cultiver et de chasser, au XIIe siècle les seigneurs réglementent la culture et la chasse. Ces règles traduisent la volonté de maintenir la paysannerie à la terre. Les citadins quant à eux sont beaucoup plus libres même si leur liberté doit être payée. 


S'établit alors une  véritable économie domaniale . Les esclaves chargés de mettre en valeur la propriété foncière sont installés par les seigneurs, ou par l'église, autre gros propriétaire foncier, sur de petites portions de terres, les " tenures " dont la jouissance leur est concédée. Ils en tirent leur propres moyens d'existence. En contrepartie, ces "serfs" doivent verser aux propriétaires des redevances en argent (cens), en nature (champart) où en travail (corvées). 

Parallèlement ils travaillent sur la terre non concédée du seigneur ou de l'église . Le rapport social de production qui domine est  le servage .

À cette époque,  le commerce  reste marginal : il  est surtout le fait d'aventuriers ou de marchands du roi  jouissant de privilèges personnels. Le but de ces marchands et d'acquérir, pour les revendre, des esclaves, des biens de luxe, certaines denrées alimentaires comme le sel, l'huile, le vin, ou des matériaux comme le fer, le bois enfin, les tissus, les fourrures, les vêtements pour assouvir les besoins de la noblesse.

 Le marché  où s'échangent tous ces produits est placé sous l'autorité du pouvoir royal ou du seigneur. Il  donne lieu à la perception de droit fiscaux .


 

Lorsque que le 14 juillet 1223, Philippe Auguste expirait à MANTES, c'était le premier roi capétien de génie qui s'éteignait après avoir réalisé d'immenses desseins grâce à une volonté farouche de délivrer la France des servitudes féodales et d'étendre ses frontières en conquérant des provinces. 

Ainsi que le note M. Luchaire dans son ouvrage "Philipe Auguste, Lavisse, H. de France", 

 

" il suffit de comparer la France de Louis VII avec celle de Philippe Auguste, le petit domaine de l'île de France et du Berri, sans communication avec la mère, étouffé entre de puissants États féodaux, avec le vaste ensemble de fiefs ajoutés par Philippe Auguste au patrimoine primitif : l'Artois, l'Amiénois, le Valois, une grande partie du Beauvaisis, la Normandie, le Maine, l'Anjou, la Touraine, un morceau important du Poitou et de la Saintonge. Le nombre des prévôtés est monté de 38 à 94. Le roi de Paris et d'Orléans est devenu le plus grand seigneur de la France du Nord et le maître d'un territoire étendu en Aquitaine ; la royauté est établie à Dieppe, à Rouen, dans certains ports de Bretagne et de Saintonge, c'est-à-dire mises au rang des puissances commerçantes et maritimes".