Histoire de la publicité foncière
Pourquoi rendre public les transferts immobiliers ?
Le secret des transferts immobiliers et le caractère occulte des hypothèques sont la règle sous l'ancien régime. La propriété se transmet par simple consentement. Cette situation générait une insécurité importante qui n'était acceptée qu'en raison d'une certaine stabilité de la fortune foncière. Seules quelques provinces connaissaient une certaine forme de publicité : Dans les provinces du Nord et de l'Est on pratiquait le régime du nantissement. Il était de coutume qu'un créancier ne pouvait acquérir d'hypothèque sur les biens du débiteur, que par le nantissement, c'est-à-dire, I'inscription de la créance sur un registre public tenu par le greffier. En Bretagne existait le régime de l'appropriance qui s'appliquait au transfert de propriété mais pas à l'hypothèque. Tout transfert de propriété devait faire l'objet de trois proclamations successives (3 bannies), trois dimanches de suite à l'issue de la grand'messe. Les contestataires avaient 8 jours après la dernière publication pour se faire connaître, s'ils étaient présents, et un an, s'ils étaient absents. Le tribunal prononçait l'adjudication du bien à l'acquéreur |
Dans le reste du royaume, c'était le régime de l'insinuation : I'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 rendait obligatoire pour les libéralités -essentiellement les donations entre vifs- I'insinuation, c'est-à-dire la reproduction des actes sur un registre public. Cette insinuation donnait authenticité à l'acte de transfert de propriété, mais n'impliquait pas l'idée de publicité visant à révéler les charges ou hypothèques qui pesaient sur les immeubles.
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Le secret des transferts immobiliers et le caractère occulte des hypothèques sont la règle sous l'ancien régime. La propriété se transmet par simple consentement. Cette situation générait une insécurité importante qui n'était acceptée qu'en raison d'une certaine stabilité de la fortune foncière. Seules quelques provinces connaissaient une certaine forme de publicité : Dans les provinces du Nord et de l'Est on pratiquait le régime du nantissement. Il était de coutume qu'un créancier ne pouvait acquérir d'hypothèque sur les biens du débiteur, que par le nantissement, c'est-à-dire, I'inscription de la créance sur un registre public tenu par le greffier. En Bretagne existait le régime de l'appropriance qui s'appliquait au transfert de propriété mais pas à l'hypothèque. Tout transfert de propriété devait faire l'objet de trois proclamations successives (3 bannies), trois dimanches de suite à l'issue de la grand'messe. Les contestataires avaient 8 jours après la dernière publication pour se faire connaître, s'ils étaient présents, et un an, s'ils étaient absents. Le tribunal prononçait l'adjudication du bien à l'acquéreur. |
L'édit du 21 mars 1673, dit "de
Colbert", institue la législation sur les hypothèques,
applicable dans l'ensemble du royaume. Destiné à protéger les
créanciers par la publicité effective des hypothèques, I'édit
souleva une vive opposition conjuguée de la noblesse préférant le
secret à la sécurité afin de ne pas révéler au grand jour son
endettement hypothécaire, et du notariat craignant une mise en cause
de ses prérogatives. Le conservateur de l'époque, qui s'appelait
"greffier", devait tenir un registre qui rappelle
étrangement le registre de dépôt actuel. Des sanctions étaient
prévues contre le greffier coupable d'avoir laissé un blanc entre
les enregistrements; I'arrêté du registre devait être signé du
greffier et du juge. L'édit a été révoqué en 1674. |
Une législation sur les hypothèques se met en place en 1771
C'est l'édit du 17 juin 1771 qui crée le corps des conservateurs des hypothèques. Un poste de conservateur, chargé de recevoir les oppositions des créanciers, est implanté dans chaque bailliage et sénéchaussée.Cet édit qui fait référence à l'édit de Colbert de mars 1673 instituait une procédure de purge des hypothèques et prévoyait :
- pour les acquéreurs de prendre une lettre de ratification pour purger les hypothèques dont l'immeuble était grevé ;
- pour les créanciers, la nécessité de former opposition entre les mains du conservateur pour conserver leur hypothèque ;
- la tenue d'un registre sur papier timbré dont les feuillets devaient être cotés et paraphés ;
- la délivrance, sur réquisition, d'un extrait des registres ;
- I'indépendance du conservateur pour l'exercice de ses attributions civiles ;
- la responsabilité personnelle et civile du conservateur pour toute erreur ou omission, portant préjudice à un tiers ;
- la rémunération du conservateur en raison du service rendu.
Conservateur des hypothèques : un métier de plus de deux siècles
Un métier qui perdure dans l'histoire de France. Créé sous Louis XV, le métier de conservateur des hypothèques a survécu tant aux bouleversements politiques tels que la Révolution, le Directoire, I'Empire et toutes les républiques successives, qu'aux événements économiques et sociaux notamment la période d'expansion immobilière du second Empire et celle du "boom" immobilier après la 2ème guerre mondiale.
Hypothèque et publicité : un couple nécessaire
L'acquéreur ou le créancier n'était jamais sûr que celui avec lequel il traitait n'avait pas déjà vendu à autrui ou que l'immeuble n'était pas déjà grevé d'autres hypothèques. La question de la publicité foncière va diviser l'opinion et les juristes tout au long de la révolution et jusqu'au XlXème siècle autour du secret des patrimoines.
Le choix des révolutionnaires : la publicité. Deux tentatives pour sortir du secret ont été proposées à cette époque.
La loi du 9 messidor an III (27 juin 1795) . Consacrée à la sécurité du crédit, elle supprime la clandestinité des hypothèques. Toutes les hypothèques devaient être publiées dans la commune de situation des biens. Les conservateurs étaient munis de registres sur lesquels ils inscrivaient, à la demande des créanciers, les hypothèques grevant les immeubles et fournissaient des extraits des registres. La loi organisait également un système d'hypothèques sur soi-même. Le propriétaire d'un immeuble pouvait se faire délivrer une "cédule" représentant la valeur de l'immeuble, transmissible par voie d'endossement, qu'il pouvait ensuite remettre à des prêteurs. Ce système fut rapidement supprimé. La loi établissait dans toutes les villes formant le siège d'un tribunal, un bureau des hypothèques, et à Paris. "un conservateur général"
La loi du 11 brumaire an Vll (1er novembre 1798) . Elle imposait, non seulement le principe de l'inscription des hypothèques et des privilèges, mais aussi la transcription des actes translatifs de propriété. En effet, il ne suffisait pas pour la sûreté des transactions que l'existence des hypothèques soit connue, encore fallait-il que les aliénations immobilières soient rendues publiques. Sans cela, un individu de mauvaise foi pouvait vendre deux fois le même immeuble ou hypothéquer un immeuble qu'il avait déjà vendu.
La loi décidait que les conservations des hypothèques implantées dans chaque arrondissement tenaient deux registres :
- le registre des inscriptions pour les hypothèques et les privilèges dont la publicité était déjà organisée par la loi de l'an III ;
- le registre des transcriptions sur lequel étaient transcrits les actes translatifs d'immeubles entre vifs et ceux constitutifs de droits réels susceptibles d'hypothèques.
Elle réglementait l'opposabilité des droits aux tiers. Cependant son application ne fut qu'éphémère.
De la loi du 21 ventôse an VII (11 mars 1799) à la rédaction du Code civil (1804)
Cette loi rattachait les conservations des hypothèques à la Régie nationale de l'Enregistrement et posait les bases d'un système simple dont les grands principes sont encore en vigueur aujourd'hui. Certains étaient déjà en application depuis 1771, notamment la responsabilité personnelle et civile des conservateurs. Elle en a institué de nouveaux :
- le cautionnement que le conservateur est tenu de fournir et dont il doit justifier en déposant une expédition de l'acte de réception au greffe du tribunal civil de l'arrondissement dans lequel il exerce ses fonctions. Ce cautionnement demeure exclusivement affecté à la couverture des dommages causés aux tiers par les erreurs et omissions dont le conservateur est légalement responsable. Cette affectation subsistera pendant toute la durée des fonctions et 10 ans après ;
- la rémunération des conservateurs au moyen d'un salaire payé d'avance par les requérants ;
- la tenue des registres en papier timbré et non plus en papier libre.
Ainsi, la sûreté, vertu essentielle du renseignement hypothécaire, est mise en œuvre par le statut du conservateur et confortée par le rattachement de la conservation à la régie de l'enregistrement.
Les rédacteurs du code civil, en retrait par rapport à la loi de brumaire, ont maintenu les structures antérieures notamment : les conservations des hypothèques dans les arrondissements et la dualité des registres. lls n'ont toutefois imposé que la transcription obligatoire des donations et l'inscription d'une partie des privilèges et des hypothèques. Au motif que le secret des fortunes est un élément de la liberté individuelle, les rédacteurs n'ont retenu que la transcription des actes translatifs à titre onéreux aux fins de purge ; de nombreuses sûretés restaient générales et occultes.
Le second Empire
Les vastes opérations immobilières et la création des sociétés de crédit imposent le retour à la publicité à l'origine de la loi du 23 mars 1855.
La loi du 23 mars 1855 avait pour principal objet de rétablir la publication, et cela en raison :
- de la création en 1852 de sociétés de crédit et notamment du Crédit Foncier. Elles exigeaient pour la sécurité des crédits hypothécaires que soient publiées, non seulement les hypothèques, mais aussi les aliénations d'immeubles et la constitution de droits réels immobiliers ;
- du développement de la construction ;
- des grands travaux entrepris à Paris à l'initiative du baron Haussmann nommé préfet de la Seine ;
- de la mise en valeur des terres.
La loi du 23 mars 1855 rendait ainsi obligatoire la publication des actes et jugements translatifs ou constitutifs de droits réels immobiliers, même non susceptibles d'hypothèques tels que les baux de plus de 18 ans. La publicité était prescrite non pour la validité des actes, mais seulement pour leur inopposabilité aux tiers, titulaires de droits concurrents inscrits. Le régime instauré par la loi du 23 mars 1855 dura un siècle.
En dépit de cette remarquable longévité, le système n'était pas à l'abri de critiques.
Il était notamment considéré comme incomplet, dès lors que les mutations par décès et les partages ainsi que certains droits tels que ceux de superficie ou d'emphythéose échappaient à la publicité, et peu sûr, en raison du caractère purement personnel de la documentation.
© Association des Conservateurs des Hypothèques
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