Le Moyen - âge

C'est à partir du dixième siècle, pendant le règne des  Capétiens (987-1328) que débute réellement l'organisation de la gestion financière royale. Les capétiens, comme leurs prédécesseurs, s'efforcent d'accroître leur domaine pour augmenter leurs ressources. Ils devront recourir à l'impôt pour financer la guerre.

Au moyen âge, les ressources royales sont de deux types

L'exploitation du domaine personnel du Roi confiée à un collège de quatre  Trésoriers de France fournit les ressources "ordinaires" centralisées à Paris par le  changeur du Trésor .

Au Xllème siècle, les rois confient la garde de leurs finances aux moines-soldats de l'ordre du Temple. La tenue des comptes s'opère au château que possède l'ordre à Paris.

Les préposés chargés de veiller aux entrées de numéraire du trésor du roi : les "sacellaires", travaillent sous l'autorité d'un "chambrier". En 1295, deux  trésoriers de France assurent la gestion des ressources ordinaires et des extraordinaires. Ils ordonnancent les dépenses.

A cette époque, le Roi comme les seigneurs et l'Église sont propriétaires de vastes domaines cultivés et entretenus par les serfs-paysans. Ce sont les seigneurs qui édictent l'ensemble des règles commerciales, juridiques et de police dans leur ressort territorial.

Compte tenu des besoins financiers croissants liés aux dépenses de guerre, l'Impôt devient bientôt la ressource principale bien que dite : "extraordinaire", les  impôts sont principalement indirects.

Leur perception est confiée à des personnes privées qui les recouvrent pour leur propre compte. Elles acquièrent ce droit moyennant le versement préalable d'une somme forfaitaire au Trésor.

L'établissement des rôles des autres impôts et leur collecte sont confiées à des agents distincts. Ce sont des agents du roi appelés  Généraux des finances qui centralisent les fonds et un officier comptable, le  Receveur général , qui élabore la comptabilité.

A partir du XIe siècle, le roi confie des prérogatives militaires, judiciaire, administratives et financières aux  prévôts . Ces agents rémunérés par le roi  encaissent certains impôts directs ainsi que les droits de péage . C'est eux qui administrent les rentes et qui paient les dépenses d'entretien de la maison royale. Saint-Louis (1226-1270) leur assure des paiement réguliers et fixes.

À Paris, les fonds en provenance des prévôtés sont concentrés par le  changeur du trésor assisté d'un  contrôleur du trésor .

 Philippe Auguste , qui règne de 1180 à 1223,  créé les baillis dans le nord et les Sénéchaux dans le sud . Ces représentants du roi, deviennent progressivement des administrateurs locaux à partir du XIIIe siècle. Selon M. LUCHAIRE, "les baillis sont des lieutenants du Roi, détachés de la  curia regis pour administrer, juger et percevoir les revenus de la couronne ... Ce sont plutôt des agents de l'administration centrale, des juges itinérants, que des fonctionnaires locaux établis à poste fixe". Progressivement ils se substituent aux prévôts pour recouvrer l'impôt indirect et les produits du domaine ; il disposent de commis chargés des travaux matériels : les receveurs de bailliage. La gestion des baillis fait l'objet d'inspections par les enquêteurs royaux, eux-mêmes conseillers du roi.

Dans la seconde moitié du XIIe siècle, alors que les prévôts ne sont qu'une cinquantaine, certaines prévôtés sont affermées.

Au XIIe siècle, les receveurs généraux et les receveurs particuliers des finances, chargés de la collecte de la plupart des impôts directs sont titulaires d'un office. Nommé par le roi, "l'officier" est révocable : son pouvoir, qu'il détient du roi, est limité dans le temps et dans l'espace.

Au XIIIe siècle la souveraineté royale prend réellement sa place. Philippe le Bel reprend le Trésor à partir de 1295 et le transfère au Louvre. En 1314, c'est Enguerran de Marigny (1275-1315) chambellan du roi, qui gère les finances, traçant ainsi le socle de l'administration financière moderne. Les évêques prennent un peu de recul par rapport au service royal.

Les ressources des villes

Comme le budget du Roi, celui des villes se compose de recettes  ordinaires : les revenus de son domaine, et de recettes  extraordinaires : l'impôt.

Pendant près d'un siècle à partir des années 1350, les impôts servent notamment à édifier des murailles destinées à assurer la protection des villes. Pour financer ce système défensif, elles instituent l'impôt municipal.

La Barbacane
mur d'enceinte de la ville de Cahors (XIV° siècle)

Pour lever l'impôt municipal (indirect dans le nord du royaume, direct au sud), la ville doit obtenir l'autorisation du roi renouvelable tous les cinq à dix ans. L'impôt indirect porte sur les denrées de première nécessité (le sel par exemple) ou sur la circulation des marchandises. Sa collecte et son produit sont très fréquemment mis à ferme. L'impôt direct est la taille.


Sénéchaux et baillis n'ont pas fait disparaître les exactions que l'on reprochait aux comtes est prévôts. La nécessité apparaissait donc d'organiser une surveillance plus soutenue de l'activité des collecteurs d'impôts. Centralisée auprès du roi, cette surveillance passe par l'amélioration des écritures comptables, et par la  création en 1320 de la chambre des comptes (ordonnance de Villiers sous Philippe V le Long) chargée d'exercer un contrôle sur pièces et sur place.

En janvier 1320 une ordonnance fixe la règle de séparation des fonctions d'ordonnateur et de comptable.

Sous le règne de Charles V (1364-1380), ce sont quatre conseillers généraux des finances assistés par un officier comptable, le receveur général, qui administrent les finances extraordinaires. Les trésoriers de France (qui seront quatre en 1445) continuent à exercer l'ordinaire.

A la fin du XIVè siècle, la fiscalité était composée d'impositions à caractère irrégulier et d'autres à caractère régulier.

Les impôts ou prélèvement à fréquence irrégulière étaient de deux natures :

* d'abord les "fouages" à payer au duc sur l'autorisation des États du duché en quatre termes : pâques, mai, juillet et septembre. Établis par "feu" ou foyer, ces fouages étaient parfois destinés à faire face aux dépenses ducales de guerre.

* ensuite des imposition prélevées pour les besoins courants de la cité ou pour édifier ou restaurer les fortifications et remparts protégeant les villes.

Quant aux prélèvements réguliers, ils étaient acquittés par  la population (impôt dit des "marcs", impôt personnel perçu au profit du duc une fois par an sur chaque membre de la commune) ou opérés sur les marchandises. Il s'agit d'abord de la gabelle sur le sel. En outre, des taxes proportionnelles venaient frapper les ventes de marchandises ; il s'agit d'abord d'un prélèvement appelé le "huitième" qui était établi sur les vins vendus, ensuite de "l'imposition" ou " vingtième" qui frappait toutes les transactions de gros ou de détail. Cette imposition était affermée par catégories de marchandises dans les cités les plus importantes et par localité dans les autres, ou au niveau de plusieurs bailliages.

La naissance du Trésor Public

A partir de l'an 800 : généralisation des missi dominici

Moitié du XIe siècle : Henri Ier (1031-1060) installe des prévôts et PHILIPPE-AUGUSTE (1180-1223) créé des baillis et sénéchaux.

1190 PHILIPPE-AUGUSTE institue un bureau de comptabilité.

1320 : en janvier, ordonnance sur la séparation des ordonnateurs et des comptables. Création par Philippe V le Long (1317 - 1322) de la Chambre des comptes ;

1329 : Philippe VI crée le privilège du Trésor: (Déclaration d'Angers) le roi est payé avant tout autre créancier.

1331-1343 - Le sel ne peut être vendu que pour et au nom du roi (gabelle).

1360 - Instauration du gros, sur les ventes de boissons.

Les rois successifs du XIVe siècle renforcent par trois décisions majeures la surveillance du système financier.

* en janvier 1320 : consécration de la séparation de l'ordonnateur et du comptable.

* des agents sont spécialisés dans la seule perception des impôts. Par un système d'affermage, la collecte s'effectue par des collecteurs élus dans les élections regroupées en diocèse.

* en 1329 Philippe VI de Valois ordonne d'être payé avant tout créancier : c'est la  naissance du privilège du trésor .

Les  ressources ordinaires sont celles que le roi tire de l'exploitation de son domaine personnel.

Ressource dite "extraordinaire" , l’impôt devient progressivement la principale source de revenus pour la royauté.

A cette époque, les impôts indirects sont de trois ordres : les traites ( droits de douane ; 1360) la gabelle ( impôt sur le sel ;1383) les aides ( taxe à la consommation :1355)

Parmi les impôts directs on trouve la taille.

L’établissement des taxes correspondant a nos impôts directs était assuré directement par l’administration royale.

En 1355, les premiers fonctionnaires royaux sont élus pour prendre part aux États Généraux, décider des contributions extraordinaires (aides), et les recoller ; c'étaient des officiers permanents chargés de lever les impôts. En 1360, ils deviennent des fonctionnaires nommés (tout en gardant leur nom) et sont chargés de collecter les impôts dans une circonscription appelée "élection" .

 

 

 

Le procédé d'affermage consistait pour le receveur de l'imposition, a adjuger au plus offrant enchérisseur le droit de collecter l'imposition auprès des redevables. Les études des documents d'époque (cf. notamment "Les fermes du vingtième à Dijon à la fin du XIVè siècle" par Henri Dubois in "L'argent au Moyen âge" - SHMESP Publications de la Sorbonne : 1998) montrent que le receveur était maître du jeu, les enchérisseurs montant sur eux-mêmes, les fermiers potentiels sachant qu'ils pourraient faire fortune. L'impôt rentrait donc chez le receveur grâce à la collecte de particuliers. Si les fermiers se recrutaient parmi les plus riches citoyens des communes, certains des enchérisseurs ont fait fortune en faisant véritablement commerce de l'imposition. Les adjudicataires étaient plutôt des financiers que des professionnels de la marchandise qu'ils étaient chargés de taxer.

Par une  ordonnance du 21 novembre 1379 , la chambre des comptes peut mettre en cause les collecteurs d'impôt. La formule est assez générale, elle est encore valable en l'an 2000 : «si les contribuables ne paient pas, les collecteurs en seront responsables en cas qu'il n'aient pas fait les poursuites nécessaires.»

Pendant la guerre dite de 100 ans (1337-1453) le roi recourt aux états généraux pour lever de nouveaux impôts. Ce sont les Valois (1328-1483) qui vont affiner l'appareil financier.

Louis XI en 1467 garantit aux receveurs généraux et receveurs particuliers des finances, chargés de la collecte de la plupart des impôts directs depuis le XIIe siècle, la propriété patrimoniale de leur office. Les offices peuvent être vendus : on parle alors de la vénalités des offices. En vendant lui-même les offices libres de leurs titulaires, Louis XI a trouvé le moyen de se procurer des ressources sans recourir à l'impôt. Progressivement, les officiers, de par leur indépendance, vont devenir moins sensibles à l'autorité du roi.


Dès la fin du moyen âge, le système financier de l'Etat repose sur des fondements solides : des fonctions pour la plupart spécialisées, des opérations déconcentrées, des comptes et des fonds centralisés, des comptables responsables, des contrôles rigoureux.